Un de nos copains s’est lancé dans le business des poissons exotiques. Mais pas que. Il paraît que le must, en ce moment, en matière de déco aquatique, ce sont les… méduses.
Je l’écoutais raconter ses nouvelles aventures, un peu perplexe. « Et donc, il y a des gens qui ont envie d’avoir une méduse sur le buffet du salon ? » J’imaginais la bestiole gluante aux filaments de dentelle blanche, toute racrapotée dans un bocal. Comme le retour improbable du cabinet des curiosités, avec des peaux de serpent et des cerveaux flottant dans du formol. Pauvre, pauvre Médusa.
Pas qu’une méduse…
Il a souri de ce sourire plein de compassion que peuvent avoir « ceux qui savent » pour les ploucs ignorantes comme moi. « Pas une méduse, dis. Des dizaines. Des centaines, parfois. » Il a sorti son smartphone et a fait défiler des photos. En effet, on était loin du petit aquarium dans lequel nagent deux poissons rouges.
Mais faut dire. On était loin aussi du petit salon de Monsieur et Madame tout le monde. Les photos ne montraient que du chic, du grand chic. Du luxe, tout partout. Des intérieurs incroyables qui ne semblent exister que sur papier glacé. Là, dans le salon immense, un aquarium gigantesque, en lieu et place d’un mur entier. De l’eau, du sol au plafond, pour une séparation marine entre les pièces de vie. Je ne sais même pas comment l’ensemble tenait debout.
Vision d’apocalypse…
J’ai pensé aux films d’action déjà visionnés : j’ai visualisé le verre qui craque, qui se fissure dans un bruit effrayant avant d’exploser. L’eau qui jaillit de partout, tel un tsunami, et qui renverse tout sur son passage avant que la maison ne s’écroule et que tout le monde ne meurt. Déglutition. « Non merci. Sans façon. Même riche, je n’en voudrais pas. »
Un goût d’exotisme ?
J’avoue, pourtant. Le bleu de l’eau, les couleurs vives des poissons, la danse élégante des méduses transparentes, c’est éblouissant. C’est une décoration apaisante et sans cesse en mouvement. Si on a des sous plein les poches, c’est tentant. Mais je pense sincèrement que les clients de Michel se lasseront de leur aquarium géant. Il viendra un moment où ce mur d’eau fera juste partie du décor et où ils ne le regarderont plus vraiment. Ils passeront juste à côté. Et moi, je déteste quand l’extraordinaire devient ordinaire.