Estimé dans un premier temps à 187 millions €, il en coûtera finalement 647 ! Retour sur le chantier le plus dispendieux de l’histoire de la Wallonie.
Dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs pays européens se mirent d’accord pour que leurs voies d’eau puissent être exploitées commercialement à un gabarit permettant la circulation de péniches de 1.350 tonnes. En Belgique, c’est le canal du Centre qui fait l’objet de toutes les attentions, celui-ci permettant de relier les bassins de la Meuse et de l’Escaut, mais aussi le bassin industriel de Dunkerque à celui du Rhin. Le gouvernement de l’époque décide alors d’entreprendre des travaux de modernisation qui débutent dès 1963.
Mais un écueil de taille demeure : ce canal présente un dénivelé important qui a entraîné la construction de plusieurs écluses et ascenseurs hydrauliques sur son ancien tracé. Le nouveau, qui va être creusé le long de celui-ci, fait forcément face au même problème. La construction des écluses d’Obourg et de Havré a déjà permis de gagner respectivement 5 et 10 mètres mais c’est loin d’être suffisant…
Face à des difficultés d’alimentation naturelle en eau qui excluent l’option d’écluses supplémentaires, le choix d’un ascenseur de 73 mètres s’impose en 1977. À l’époque, on estime que c’est l’option la moins onéreuse, avec un budget initial estimé à 187 millions €. Il s’agit pourtant du plus grand ascenseur funiculaire du monde, d’autant qu’il doit être doublé d’un pont-canal géant qui enjambera un nœud routier important. Le chantier débute en 1982 et doit se terminer dix ans plus tard.
Rien ne va plus
À ses débuts, le projet profite des “enveloppes de compensation” des énormes travaux d’aménagement du port de Zeebruges. Une association temporaire est créée et celle-ci se voit confier aussi bien les études techniques que la construction de cet ouvrage d’art. Sauf que le chantier va rapidement tourner au cauchemar. Avec la régionalisation des travaux publics en 1989, la Wallonie hérite d’infrastructures qu’elle n’est pas à même de construire voire d’entretenir. Le chantier de Strépy-Thieu va alors s’éterniser, la Région wallonne ne pouvant financer les coûts annuels sans cesse en hausse de ce chantier pharaonique. De plus, plusieurs entreprises engagées sur la construction de l’ascenseur tombent en faillite. Les déboires sont tels que nombreux sont ceux qui réclament l’abandon pur et simple du projet. Strépy-Thieu devient alors le symbole des travaux inutiles wallons, immortalisés à maintes reprises par le journaliste Jean-Claude Defossé dans son “Journal des Travaux inutiles”.
Merci l’Europe
Finalement, la solution viendra de la constitution de la SOFICO (la Société wallonne de financement complémentaire des infrastructures). Celle-ci a pour mission d’achever ou de réaliser les chantiers wallons d’envergure en combinant des capitaux locaux avec des subsides européens et des prêts octroyés par la BEI, (la Banque européenne d’investissement). Le méga ascenseur de Strépy-Thieu sera finalement inauguré en septembre 2002, après 20 ans de travaux. La facture finale de sa construction s’élève à 647 millions € !