Une offre a été acceptée ou un compromis a été signé… puis un imprévu survient ou le doute s’installe. Peut-on encore faire marche arrière ? La réponse en quelques principes clés.

Dès l’offre acceptée ou le compromis signé, la vente est réalisée
En Belgique, la vente est consensuelle : un accord sur la chose et le prix (ainsi que – si les parties l’ont prévu – les éléments qu’elles jugent essentiels) suffit à former une vente parfaite. Un compromis n’est pas indispensable : une offre ou promesse acceptée peut suffire. Les parties sont alors déjà liées, même si l’acte notarié n’est pas encore signé (l’acte sert surtout à la publicité et à l’opposabilité aux tiers).
En pratique, il est fréquent de prévoir que le transfert de propriété et des risques, ainsi que le paiement intégral du prix, n’interviendront qu’à l’acte authentique. La vente est donc formée dès l’accord, mais le « passage de relais » juridique et financier se fait chez le notaire.
Peut-on se rétracter ?
En principe, non. Une fois la vente conclue (offre/promesse acceptée ou compromis signé), chacune des parties doit aller au bout. Il existe toutefois quelques cas dans lesquels l’une des parties peut se retirer sans faute.
Condition suspensive non remplie
Si le contrat contient une condition suspensive – par exemple, l’obtention d’un crédit – et que la banque refuse le prêt malgré une demande complète et sérieuse, la vente tombe sans faute.
A l’heure actuelle, cette clause n’est pas obligatoire, ce qui peut parfois conduire à des situations délicates en cas de problème de financement. Compte tenu de son importance en pratique, le ministre fédéral de la Protection des consommateurs, Rob Beenders (Vooruit), a annoncé son intention de rendre obligatoire une condition suspensive de financement, à peine d’invalidité de la vente (mesure à suivre tant qu’aucun texte formel n’est adopté).
Vice de consentement
La vente pourrait également être annulée si le consentement d’une des parties est vicié. Cela peut résulter d’un dol (tromperie), d’une erreur (sur une caractéristique essentielle) ou d’une violence (pression injuste).
On pense par exemple au vendeur qui cache volontairement une pollution du sol ou un vice structurel du bâtiment, ou à l’acheteur qui se trompe légitimement sur une caractéristique essentielle du bien (par exemple, terrain non constructible ou bien impropre à l’usage convenu), ou encore à la vente qui résulte de menaces ou d’une pression injuste.
Lésion énorme
En matière de vente d’immeuble, il existe un cas particulier de nullité de la vente, il s’agit de la lésion énorme.
Si, au jour de la vente, le vendeur a reçu un prix inférieur à 5/12 de la valeur réelle, il dispose de deux ans pour contester l’opération. L’acheteur peut éviter la nullité en payant un complément de prix, en principe déterminé par le juge après expertise.
Polices administratives
Les polices administratives (aménagement du territoire et urbanisme, environnement, logement, etc.) pèsent de plus en plus sur la vente immobilière : certaines mentions sont obligatoires dès l’annonce immobilière et le compromis (situation urbanistique, attestations, etc.) afin de donner à l’acquéreur les informations techniques et importantes relatives au bien.
Le non-respect peut entraîner des sanctions, voire l’annulation de la vente, et engager la responsabilité du vendeur et des autres intervenants.
Ainsi, il a déjà été jugé, en Région flamande, qu’un acheteur pouvait obtenir l’annulation de la vente pour communication tardive de l’attestation de sol par le vendeur.
Se rétracter sans motif : quelles conséquences ?
Changer d’avis unilatéralement et sans motif valable peut coûter cher, pour le vendeur comme pour l’acheteur.
Sauf disposition contractuelle contraire, la partie « victime » peut soit forcer la vente en justice, soit réclamer des dommages et intérêts, lesquels sont habituellement fixés forfaitairement dans le compromis à 10 % du prix de vente.
Comment éviter les mauvaises surprises ?
Avant de signer, quelques réflexes simples peuvent éviter bien des tracas :
- Faire relire l’offre/compromis par un avocat ou un notaire.
- Prévoir des conditions suspensives pour les éléments futurs et incertains (p. ex. financement bancaire) ;
- Préciser, dans l’offre, la promesse ou le compromis, tous les éléments que les parties considèrent comme essentiels (il s’agit des « éléments substantiels ») ;
- Réduire le risque de consentement vicié, en précisant les pollutions connues, vices structurels, litiges, etc.
- Reporter le transfert (propriété, risques, prise de possession) et le paiement à l’acte authentique.
À retenir : accepter une offre ou signer un compromis, c’est déjà vendre… ou acheter. On ne revient en arrière que dans des cas ciblés. Anticiper et sécuriser l’opération — grâce à quelques clauses bien rédigées et à un avis juridique rapide — évite souvent des complications coûteuses.
Cet article a pour but d’informer et ne constitue pas un avis juridique. Pour toute question spécifique, il est recommandé de consulter un professionnel du droit.
Maître Raffaele Petrullo, avocat aux Barreaux de Bruxelles et de Luxembourg (www.astralis-law.be – 02 705 57 47 – info@astralis-law.be).